Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/202

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prétentions à une origine divine et à une durée éternelle. Le gouvernement de l’Église par une assemblée n’est point particulier à la Russie et au régime autocratique. Les peuples orthodoxes, auxquels le dix-neuvième siècle a rendu une existence indépendante, ont adopté la même institution. La Grèce démocratique, la Roumanie libérale ont, comme la Russie, mis à la tête de leur Église un synode. La Serbie a également suivi l’exemple russe. Dans tous ces États, les détails de l’organisation varient, le fond est le même.

La forme synodale peut être regardée comme la forme définitive du gouvernement des Églises de rit grec. Le respect de leur antiquité pourra préserver les patriarcats orientaux du sort de celui de Moscou ; ils verront leur autorité effective se réduire à une sorte de présidence du conseil d’administration de l’Église. Aujourd’hui même, le patriarche de Constantinople est entouré d’un synode sans lequel il ne prend aucune mesure importante. Dans toutes les Églises orthodoxes, l’ancienne administration monarchique par patriarche, exarque ou métropolite, doit graduellement céder la place aux autorités collectives.

Il ne suit point de là que les Églises gouvernées par un synode doivent partout et toujours demeurer dans une étroite et perpétuelle dépendance de l’État. La forme synodale n’implique point en elle-même l’asservissement des Églises, pas plus que le patriarcat n’implique leur liberté. De nos jours même, la comparaison entre le Saint-Synode de Pétersbourg et le patriarche de Constantinople est peu propre à faire regretter au clergé russe cette dernière dignité. « À l’étranger, me disait un Russe en rade de Constantinople, vous pleurez volontiers le patriarcat de Moscou. Connaissez-vous celui du Phanar ? Quand nous aurions un patriarche, quelles seraient les garanties de son indépendance ? Votre grand patriarche d’Occident, le pape romain, qui a des sujets spirituels aux quatre coins du globe, ne se trouve pas assez libre dans un État libéral ;