Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/206

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premier cas, c’est comme représentant de la nation, dont il absorbe en sa personne tous les pouvoirs, que l’empereur propose ou confirme les évêques, jadis directement choisis par le peuple ; dans le second, c’est comme préposé au bien-être physique et moral de ses sujets que le souverain a part à la collation de dignités ecclésiastiques, qui, d’ailleurs, confèrent des privilèges temporels ; c’est, comme l’écrivait Pierre le Grand au patriarche de Constantinople, que Dieu doit demander compte aux princes de la manière dont ils auront veillé sur l’administration de son Église. Que de querelles suscitées en Occident par la question des investitures ! Comment s’étonner qu’elle ait été tranchée au profit du pouvoir civil dans une Église qui n’a pas de pape pour les lui disputer ?

En Russie, l’ingérence de l’empereur dans les affaires ecclésiastiques peut encore être regardée comme une conséquence de l’esprit patriarcal, naturellement peu subtil en fait de distinction des deux puissances. Parmi les sujets de peinture des églises russes sont les sept conciles œcuméniques, sur lesquels repose l’orthodoxie orientale. Le mode de représentation en est simple : des évêques assemblés autour du trône d’un empereur, parfois, comme pour l’impératrice Irène, autour d’une femme. Ce sujet se rencontrait aussi dans nos églises du moyen âge, et il y était figuré à peu près de la même façon. Les gens qui ont sous les yeux de telles représentations s’étonnent peu de la part que prend le souverain à l’administration ecclésiastique. Et de fait, s’ils ont parfois outrepassé, vis-à-vis de l’Église, les droits que s’étaient arrogés les empereurs d’Orient, les tsars sont le plus souvent demeurés en deçà. L’influence du pouvoir civil sur le clergé de Russie pourrait même sembler un reste des anciens rapports de l’Église et de l’État, dans cet Orient qui change si peu, si les Russes n’avaient fait la remarque que, chez eux, les plus grands abus de l’autorité laïque dans les affaires ecclésiastiques dataient de l’influence occidentale.