Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/208

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mêmes exigences que la couronne d’Angleterre sous les Tudors, sous les Stuarts, sous les Georges de Hanovre[1]. Ni Moscou ni Pétersbourg n’ont vu une assemblée laïque, telle que le Parlement britannique, légiférer souverainement sur l’Église. Ni Moscou ni Pétersbourg n’ont entendu les juristes ou les théologiens revendiquer pour le prince, en matière ecclésiastique, la suprême autorité que lui déféraient si volontiers juristes et théologiens dans l’Allemagne protestante. La classique théorie de l’évêque du dehors n’a jamais reçu les mêmes développements dans la Russie orthodoxe que dans les pays luthériens. Ici encore, on pourrait dire que, tout en se rapprochant davantage des premiers, l’Église russe est demeurée à mi-chemin des protestants et des catholiques.

Un autre fait moins connu et non moins digne de remarque, c’est que, de tous les États orthodoxes, l’empire russe est encore celui qui a témoigné le plus de déférence vis-à-vis de l’Église. C’est peut-être une des raisons des sympathies que garde la Russie parmi le clergé, en certains pays où les laïcs sont défiants envers elle. Si le gouvernement impérial n’a pas laissé à l’Église plus de liberté réelle, il a pris plus de soin d’en déguiser la dépendance. Les États orthodoxes sortis des démembrements successifs de la Turquie ont tous, nous l’avons dit, imité la constitution imposée à l’Église russe par Pierre le Grand ; mais, en copiant la Russie, ils ont, d’habitude, renchéri sur leur modèle.

  1. En Angleterre, le roi « se déclare chef suprême de l’Église, gardien et défenseur de la vérité religieuse. C’est lui qui est ; en son conseil, la juridiction suprême pour les matières spirituelles. L’hérésie même n’échappe pas à sa compétence. Cranmer estime que la couronne peut, à elle seule, faire un prêtre sans qu’aucune ordination soit nécessaire. Même après que cette opinion extrême a été abandonnée, il reste admis que les évéques reçoivent du prince seul l’investiture et ne gardent leur dignité qu’à son plaisir ; une nouvelle commission leur est délivrée à chaque règne qui commence. » E. Boutmy : Le développement de la Constitution et de la Société politique en Angleterre 1887), p. 140. — Pour les États du continent, cf. Dôllinger : Kirche und Kirchen, passim.