Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/231

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conciles provinciaux. Il faut dire que ces conciles russes ne peuvent siéger, ni délibérer, ni rien publier qu’avec la permission du Synode, autrement dit du gouvernement. Kief, Vilna, Kazan, Irkoutsk même, plusieurs des capitales régionales de l’empire ont assisté à des assemblées de cette sorte. Il est vrai que, selon l’impulsion donnée à l’Église par la main des hauts procureurs, ces assises épiscopales se sont peut-être moins préoccupées des intérêts du clergé et des réformes intérieures de l’Église que de prosélytisme. Quelques orthodoxes de tendances slavophiles avaient, sous Alexandre III, préconisé la réunion à Moscou d’un concile national de toutes les Russies, voire d’un concile œcuménique de tout l’Orient, destiné à resserrer les liens des Églises de rit grec et la solidarité du monde orthodoxe. Les questions à débattre auraient beau ne pas lui manquer, il est douteux que les tsars russes soient de longtemps curieux de provoquer un pareil concile, ou les gouvernements étrangers pressés d’y envoyer leurs évêques.

En dehors du renouvellement des conciles provinciaux, bien des réformes pourraient être introduites dans l’Église, si les mœurs publiques étaient mûres pour elles. On pourrait, selon le vœu de certains publicistes, rétablir les élections ecclésiastiques ; on pourrait, en presque toutes choses, revenir à l’antique discipline. En admettant qu’un pareil retour au passé fût toujours un progrès, ce serait assurément moins malaisé dans l’Église gréco-russe que dans l’Église catholique romaine. Dans l’une, la centralisation dérive d’un principe théologique ; elle vient de l’intérieur, du cœur même de l’Église ; dans l’autre, la centralisation n’a qu’un principe politique ; elle vient du dehors, du pouvoir civil. On pourrait faire bien des choses dans l’orthodoxie russe, si les mœurs s’y prêtaient ; mais les mœurs s’y prêtent peu. En tout cas, s’il est un pays où la société religieuse ne se puisse isoler de la société civile, c’est la Russie. Les mœurs religieuses ne s’y pourront transformer qu’avec les mœurs politiques.