Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/237

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plative et ascétique, les moines d’Orient ont toujours préféré la seconde, sans doute la mieux adaptée à l’esprit oriental. Chez eux, Marthe a toujours été sacrifiée à Marie.

C’est pour la pénitence et l’ascétisme, pour la prière et la méditation que se sont fondés la plupart des couvents orthodoxes. Ce n’est ni le besoin de se grouper pour la lutte, ni le zèle du bien des âmes, c’est l’amour de la retraite, c’est le renoncement au monde et è ses combats qui ont jadis peuplé les couvents de la Russie. Les ennemis auxquels on y venait livrer bataille, c’était, à l’exemple des rudes athlètes de la Thébaïde, la chair rebelle et le dragon tentateur, sans autres armes que la prière et le jeûne. N’est-ce pas ainsi, à force de macérations, que les ermites de Petchersk ont mérité d’être appelés « des anges terrestres et des hommes célestes » ? Le moine russe n’avait en vue ni l’activité intellectuelle, ni le travail manuel, ni la charité, ni la propagande, mais son salut personnel et l’expiation des péchés du siècle.

« La mission des moines, disaient encore, sous Nicolas, au théologien Palmer, les religieux de Troïtsa, n’est ni l’étude ni le travail d’aucune sorte ; leur mission est de chanter les offices, de vivre pour le bien de leurs âmes et de faire pénitence pour le monde[1]. » Et ils ajoutaient que l’ascétisme était le nerf du christianisme, se vantant d’y être demeurés plus fidèles que les Latins, y voyant une marque de la supériorité de leur Église. À certains de ces moines de Saint-Serge, les deux vices séculaires des monastères orientaux, l’ignorance de l’esprit, la saleté du corps, semblaient presque une vertu de leur état. Quand Palmer, après avoir passé quelques jours dans leurs cellules, se plaignait des insectes et de la vermine, ses hôtes lui répondaient, d’accord à leur insu avec notre Benoît Labre, que, dans un couvent, ces créatures avaient

  1. W. Palmer : Notes of a visit to the Russian Church. p. 200-201.