Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plupart des ordres ou congrégations catholiques. Cette règle, rédigée en forme de réponses à des questions de toute sorte, ne fait guère que poser les bases de la vie monastique sans l’enserrer dans d’étroites observances. Pour la vie religieuse, comme pour la foi, la Russie n’a rien ajouté à ce que lui apportèrent les Grecs : elle n’eut aucun ordre qui lui fût propre. Les couvents russes eurent beau subir, à différentes époques, diverses réformes, il n’en sortit rien d’original. Leur idéal demeura toujours en arrière ; leurs modèles furent toujours au dehors. C’est ainsi qu’au onzième siècle, un moine, du nom de Théodore, introduisit aux Grottes de Kief, d’où ils se répandirent au loin, les statuts du monastère constantinopolitain de Stoudion, avec la pratique de la vie commune. Les milices religieuses de la Russie n’ont jamais offert cette prodigieuse variété de troupes, d’armes, d’uniformes de toute couleur, qui a donné tant d’éclat et de puissance aux armées monastiques de l’Occident. Par suite, les monastères russes n’ont rien connu de comparable aux grandes figures de moines pacifiques ou batailleurs, hommes d’action, hommes de plume, au besoin hommes d’État, qui ont tant remué le monde latin. La Russie a eu des moines ; elle n’a pas eu d’ordres religieux. La Russie a eu des couvents ; elle n’a pas eu de ces fédérations, de ces républiques monacales qui, dans la nation et dans l’Église, formaient comme des États spirituels. De même que chez nos Bénédictins, les monastères russes ont quelquefois été des colonies, partant des dépendances les uns des autres, mais de ce groupement n’est sortie aucune puissante congrégation. La vie monastique a ainsi manqué à la fois de variété et de cohésion, de diversité et d’unité. Par là, les moines n’ont pu donner à la société et à la civilisation ni les mêmes secours, ni les mêmes embarras qu’en Occident,

Pour avoir été moins variée, l’influence des monastères en Russie n’a pas été moins profonde. Les couvents ont eu, dans la formation de la nation et de la culture russe,