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même province, un couvent de femmes, dit de Florovo, renferme près de cinq cents religieuses. Une remarque encore à faire, c’est qu’en Russie, comme dans la France de l’ancien régime, il y a plus de couvents d’hommes que de couvents de femmes, ce qui, du reste, n’empêche pas les religieuses de l’emporter aujourd’hui par le nombre.

Aux moines officiellement enrégimentés dans les monastères de l’empire, il faut ajouter les irréguliers du cloître, les Russes enrôlés dans les couvents du dehors, au Mont-Athos notamment. Un des vingt « couvents chefs » de la Sainte Montagne, le Pantalémon ou Rossicon, en abrite quatre ou cinq cents. D’autres occupent les couvents de Saint-André et du Prophète-Élîe, ou mènent isolément la vie de solitaires[1]. Anachorètes ou cénobites, ces moines russes de l’Athos sont, pour la plupart, venus à l’Agion Oros en simples pèlerins, quelques-uns encore enfants. La beauté du site, la douceur du climat, la facilité de l’existence, la contagion d’une pieuse oisiveté les ont retenus. Ils vivent là en liberté, dans une molle contemplation, entre l’azur du ciel et la nappe bleue de la mer Égée, loin des règlements et du contrôle du Saint-Synode impérial. Le gouvernement de Pétersbourg, tout en les soutenant dans leurs démêlés avec les caloyers grecs, ne daigne pas leur reconnaître le titre de moines, car les lois interdisent de prendre le voile sans autorisation. Il se défie de ces libres colons de la vieille république monacale. Loin d’en encourager l’émigration, il les traite à l’occasion en déserteurs ; il leur a plus d’une fois interdit le voyage et les quêtes dans la mère patrie. Les moines russes de l’Athos, au besoin déguisés en laïcs, n’en continuent guère moins à faire en Russie de fructueuses collectes. Quêter pour les ermites de l’Athos est une ressource des aventuriers avides d’exploiter la crédulité populaire.

  1. Outre le Pantalémon, deux autres des grands monastères de l’Athos, le Zographos et le Chilantari ; occupés par des Serbes et des Bulgares, forment comme un avant-poste slave sur la Chalcidique grecque.