Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/255

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qu’un millier de roubles, c’est-à-dire à peine de quoi entretenir une de ses églises. En fait, pour une trentaine des couvents subventionnés, l’allocation gouvernementale ne dépassait pas 500 roubles, tombant pour quelques-uns à 20 roubles. Calculés par tête de religieux, les subsides annuels du gouvernement n’atteignaient pas en moyenne 4 roubles, soit, au cours du change, moins d’une dizaine de francs. Si sobre que soit leur table, il est clair que ce n’est pas avec une pareille dotation que peuvent vivre les monastères et les moines. Aussi entend-on souvent réclamer la suppression de ces subventions de l’État, d’autant que les monastères subventionnés sont parfois les plus riches. Les défenseurs des couvents répondent que ces allocations du Trésor ne sont qu’une maigre indemnité des biens qui leur ont été enlevés.

Ces biens confisqués au dix-huitième siècle, les monastères russes sont parvenus à les reconstituer, en partie au dix-neuvième siècle. C’est là un phénomène qui n’a rien d’étrange ; il s’est reproduit partout sous nos yeux ; la générosité de la foi et l’avare économie de la vie religieuse suffisent à l’expliquer. En enlevant leurs biens aux couvents, le gouvernement russe leur a laissé ou leur a rendu la faculté d’en acquérir de nouveaux. L’État a opposé d’autant moins d’obstacles à la reconstitution de la fortune monastique que, grâce à l’organisation de l’Église, l’emploi de cette fortune n’échappe pas entièrement au contrôle du gouvernement.

Comme institution de l’État, les monastères jouissent de la personnalité civile ; pour chaque acquisition de terre, à titre onéreux ou gratuit, il leur faut toutefois une autorisation. Non content de leur permettre d’accepter les iibéralités des particuliers, l’État a parfois lui-même concédé aux moines des domaines pris sur les biens de la couronne. On calcule que, de 1836 à 1861, le gouvernement impérial a ainsi distribué, entre 180 couvents, 9000 désiatines de terres ou de prairies, et 16 000 désiatines de