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assemblées rurales à rétribuer leur clergé, des laïques ont conseillé d’abandonner aux paroisses le choix de leur curé. Cette idée a trouvé faveur dans certains cercles, à Moscou surtout ; feu Aksakof en était partisan. Des écrivains à tendances slavophiles se sont attachés à démontrer que l’élection des curés était conforme aux coutumes nationales et aux canons de l’Église[1]. Loin d’être une innovation, le choix des pasteurs par leurs ouailles ne serait, en Russie, qu’un retour aux anciens usages. Il est vrai que l’élection des membres du clergé donnait souvent lieu à des scandales dont témoignent les conciles moscovites du seizième et du dix-septième siècle. Les candidats aux postes ecclésiastiques achetaient parfois les voix des électeurs. La coutume d’élire le curé se serait maintenue plus longtemps dans la Petite-Russie que dans la Grande. On en trouverait des traces dans le diocèse de Kief jusque vers 1840. En Bessarabie, l’élection était encore habituelle vers 1820 ; l’évêque n’ordonnait que les clercs qui lui apportaient l’approbation (odobrénié) de la paroisse[2]. Au cœur même de la Grande-Russie, le célèbre métropolite Platon aurait encore, sous Alexandre Ier, reconnu aux paroisses le droit de lui présenter un candidat aux cures vacantes.

Le zemstvo de Moscou avait demandé, en 1880 et 1884, que le droit d’élection ou, au moins, de présentation fût rendu aux paroisses. D’autres assemblées provinciales s’étaient prononcées dans le même sens. Cette intervention des zemstvos, le Saint-Synode l’a blâmée, par la bouche du haut-procureur, comme un empiétement des autorités laïques sur le domaine de l’Église. D’après la vénérable assemblée, si l’Église laissait autrefois les paroisses désigner leur pasteur, cela tenait à l’insuffisance du nombre d’hommes instruits connus des évêques. Il n’en est plus de même aujourd’hui que les séminaires forment la pépi-

  1. Voyez notamment la Rous, 24 et 31 janvier 1881.
  2. Kievskaïa Starina, avril 1882.