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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/329

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prêtres ayant achevé leurs études de prononcer chaque mois un sermon de leur composition, la pratique n’avait pu s’en établir. La censure ecclésiastique s’est aujourd’hui relâchée de ses prétentions ; la langue du pope a été déliée. Les pessimistes disent qu’on n’a pas toujours à s’en féliciter. Il est des prêtres qui ne savent pas peser leurs paroles. C’est ainsi qu’en 1884 un curé du diocèse de Tver (village de Vernovo) s’était fait accuser d’avoir, dans un sermon, excité les paysans contre les propriétaires.

La prédication a-t-elle pris, dans les dernières années, un essor inattendu, la cause en est aux événements profanes. Ici encore, le clergé a cédé à l’impulsion du dehors. L’Église (on pourrait presque aussi bien dire l’État) s’est-elle efforcée de rendre au peuple le sermon évangélique, c’est dans un intérêt politique presque autant que dans un intérêt religieux. La chaire, de même que l’école, a paru un moyen d’agir sur le peuple. Pour la guerre contre les doctrines subversives, on a enrôlé l’éloquence chrétienne. Le pope a été appelé à l’aide du gendarme. Au sourd apostolat des propagandistes révolutionnaires, on a tenté d’opposer la parole de Dieu. Les conspirations ont remis en honneur la prédication.

Le principal souci des pasteurs russes, de ceux, notamment, qui portent la houlette épiscopale, est de prémunir leur troupeau contre les pièges du loup « nihiliste ». Cette préoccupation est d’autant plus naturelle qu’en combattant les ennemis de l’État, ils ont conscience de combattre les adversaires de l’Église. Le gouvernement ne saurait reprocher au clergé, au haut clergé du moins, son inaction. Le haut-procureur a tout lieu d’être satisfait du zèle des évêques. La plupart ont en personne conduit leurs prêtres à la défense de l’autocratie. Les prélats orthodoxes ont, comme l’évêque de Viatka, invité le clergé à inculquer à ses ouailles de « bons principes religieux et politiques ». Les mandements et les discours épiscopaux ont été remplis de dissertations politico-sociales, et les simples