Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/334

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ment national, plus accessible aux influences du siècle, l’Église russe serait plus ouverte aux innovations, elle serait plus exposée au relâchement de l’unité de la foi, elle risquerait de dévier vers la Réforme. Le fait seul d’un épiscopat marié serait un pas vers l’anglicanisme[1].

Si la tradition ne permet pas de consacrer évêque un prêtre marié, elle n’interdit point l’épiscopat aux prêtres devenus veufs. Longtemps, dans ce cas même, l’usage fut de ne les sacrer évêques qu’après leur avoir fait prononcer des vœux monastiques. Aujourd’hui, on admet que, s’ils sont tenus au célibat, les évêques ne sont pas tenus d’être moines. Quelques-uns ont ainsi été sacrés sans avoir traversé le couvent. Cela seul était une telle innovation que, lors du sacre de l’archiprêtre Popiel, en 1875, on ne savait trop comment vêtir pour la cérémonie l’ancien uniate galicien. Faute de précédents, on se décida à lui faire porter, comme à ses collègues de l’épiscopat, l’habit monastique.

La discipline de l’Église maintient au clergé noir le monopole de l’épiscopat. Pour les autres dignités ecclésiastiques, rien n’empêchait d’en ouvrir l’accès au clergé blanc ; aussi a-t-il récemment pénétré dans la plupart des fonctions jadis détenues par les moines. Sa plus importante conquête a été, nous l’avons dit, le haut enseignement ecclésiastique, que les moines s’étaient longtemps réservé avec un soin jaloux. Cela seul est une sorte de révolution dont, à la longue, la portée peut être considérable, car de

  1. La question du célibat épiscopal est de celles que le clergé russe, soumis à la censure spirituelle, ne peut guère débattre librement. Aussi un professeur de l’Académie ecclésiastique de Kief avait-il engagé ses élèves iougoslaves à profiter de leur liberté pour rechercher si l’antiquité ecclésiastique ne fournirait pas des arguments contre le célibat obligatoire des évéques. Telle est l’origine d’une dissertation de M. N. Milach, intitulée : Dostojanstva ou pravoslavnoj tsrkvi, po tsrkveno-pravimi izvorima do XIV vjeka ; Pantchevo, 1879. L’auteur serbe s’efforce de prouver que les évêques n’ont pas toujours été astreints au célibat. Peut-on, en effet, citer, dans l’Église grecque, quelques évêques mariés, cela n’a jamais été qu’une exception. (Voyez entre autres W. Gass : Symbolik der Griech. Kirche, p. 282.)