Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/373

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tique indépendante. En gardant un sacerdoce, quelque peu nombreux et quelque ignorant qu’il fût, les popovtsy conservaient les sacrements et toute l’économie du christianisme orthodoxe. En dépit de l’inconséquence d’admettre les prêtres d’une Église qu’ils rejetaient, ils pouvaient en demeurer au point de départ du schisme et se maintenir sur le terrain des premiers vieux-croyants.

Pour les bezpopovtsy, au contraire, il est presque impossible de trouver un point d’arrêt sur la pente où les entraîne une logique implacable. En renonçant au sacerdoce, ils renoncent à l’orthodoxie ou, au moins, au culte orthodoxe. Avec le sacrement de l’ordre disparaissent tous les sacrements administrés par des prêtres. Des sept canaux traditionnels de la grâce divine, un seul, le baptême, reste ouvert aux hommes ; les six autres sont clos et taris pour jamais. Ainsi, du premier coup, les bezpopovtsy en sont arrivés à l’anéantissement du principe du culte chrétien. Les vieux-croyants les plus rigides ont été précipités par l’aveugle logique dans la plus manifeste des contradictions. Pour sauver tous les rites, ils ont sacrifié les plus essentiels ; pour garder le signe de la croix à deux doigts et le double alleluia, ils ont rejeté les sacrements sans lesquels il n’y a plus de vie chrétienne, plus de lien visible entre l’homme et Dieu. C’est en abolissant le ministère sacré et le service divin qu’ils protestent contre les légères atteintes portées par l’Église à leurs pratiques de dévotion. Faute de sacerdoce, en repoussant les prétendues innovations de Nikone, les bezpopovtsy ouvrent la porte à toutes les fantaisies de l’esprit de secte. Par leur opiniâtre attachement à l’antiquité, ils s’exposent à toutes les nouveautés.

La triste solution à laquelle aboutissaient les sans-prêtres ne pouvait satisfaire le goût du cérémonial et l’amour de la tradition qui avaient provoqué le schisme. Comment combler le vide laissé dans le christianisme par la disparition du sacerdoce et des sacrements ? Toute l’an-