Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/412

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auquel on fait célébrer le culte divin comme un métier dont l’ordination ecclésiastique lui a conféré le monopole. Loin de conduire en maîtres leur troupeau, les popes du raskol restent dans la dépendance des communautés qui les stipendient, qui les élisent et les déposent à leur gré. Ce ne sont souvent que des aumôniers ou des chapelains à la dévotion des riches marchands qui les entretiennent. Chez les popovtsy, tout comme chez les sans-prêtres, l’autorité, la direction appartient aux laïques. Le sacerdoce, chez les sectes mêmes qui en proclament la nécessité, a beaucoup perdu de son autorité ; quelques vieux-croyants allaient jusqu’à recevoir comme prêtres de simples diacres, ou parfois acclamaient comme ministres les premiers venus. Chez tous, c’est entre des mains laïques, entre les mains des anciens de la communauté qu’est le gouvernement de la secte. À cet égard, les deux partis du schisme ont eu une grande ressemblance, au moins jusqu’à l’époque récente où les popovtsy ont, avec un épiscopat, retrouvé un sacerdoce indépendant.

Chez les deux branches du schisme, les premiers centres religieux furent des skytes ou ermitages (skity), sorte de couvents qui groupaient autour d’eux un certain nombre d’adhérents et communiquaient avec les sociétés affiliées des différentes provinces. Ces communautés se cachaient d’ordinaire dans l’épaisseur des forêts ou s’abritaient sous la domination étrangère, au delà des frontières de l’empire. Le principal foyer des popovtsy fut ainsi longtemps à Vetka (gouvernement actuel de Mohilef), sur le territoire polonais. Les monastères de Vetka renfermaient, dit-on, plus de mille moines ; les troupes russes franchirent par deux fois la frontière polonaise pour disperser ces moines du schisme et ramener de force en Russie les paysans qui s’étaient groupés autour d’eux. Les skytes de Slarodoub (gouvernement de Tchernigof) héritèrent de l’influence de Vetka. À Starodoub comme à Vetka, comme dans tous les centres du raskol, des villages de sectaires s’étaient élevés