Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/432

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cause de tant de dissensions, il semblait qu’il n’y eût qu’à dresser l’acte de réconciliation des starovères et des orthodoxes. En dépit des manifestations libérales des chefs du schisme, les clauses d’un traité de paix restent difficiles à stipuler. Chaque parti garde ses prétentions. La hiérarchie officielle ne veut pas s’infliger un démenti, et les vieux-croyants ne veulent rentrer dans l’Église que par le grand portail, au carillon des cloches et bannières déployées. Non contents d’être reçus avec le baiser de paix, ils voudraient que la hiérarchie orthodoxe les accueillît en se frappant la poitrine et en murmurant un mea culpa. La tolérance des anciens rites ne leur suffit point ; ils réclament leur réhabilitation avec le concours des patriarches orientaux, disant qu’ayant été condamnés par un concile, les vieux rites et les vieux livres doivent être reconnus par un concile.

Pour faire la paix avec ses fils rebelles, l’Église russe n’a point encore réuni en concile le monde orthodoxe ; elle persiste à considérer son différend avec eux comme une affaire de famille. Elle leur a, toutefois, concédé une satisfaction qui, à certains prélats du dix-huitième siècle, aurait pu paraître un désaveu du passé. Le Saint-Synode, « le concile permanent » de l’Église nationale, a levé l’anathème lancé au concile de 1667 contre les partisans des vieux rites. Bien plus, le Saint-Synode a déclaré officiellement, en 1886, que l’Église orthodoxe n’avait jamais condamné les anciens rites et les anciens textes qu’autant qu’ils servaient de symbole à des interprétations hérétiques. D’après la vénérable assemblée, ce que l’Église a combattu durant plus de deux siècles, c’est uniquement la rébellion des raskolniks, leur désobéissance à la hiérarchie élablie par le Christ. Et de fait, en résistant aux injonctions de l’épiscopat et en le taxant d’hérésie, les vieux-croyants niaient, sans s’en rendre compte, l’autorité de l’Église, ou ils faisaient résider l’Église, en dehors de la hiérarchie et des autorités ecclésiastiques, en eux-mêmes,