Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/435

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plupart des vieux-ritualistes ne veulent-ils voir dans l’édinoverié qu’un piège ; ils rappellent la souricière, lovouchka.

Entre cette création des unicroyants orthodoxes et celle des grecs-unis de Pologne par la cour de Rome et les jésuites, il y a une ressemblance qui n’a pas été remarquée. Les deux institutions étaient un moyen terme répondant à un but analogue et excitant de semblables défiances. On dirait que, pour ramener ses dissidents, la Russie a imité le procédé employé par Rome et la Pologne pour se rattacher les sujets polonais du rite grec. Sciemment ou non, le gouvernement russe n’a fait que s’approprier la tactique religieuse qu’il combattait de la part de Rome et des Polonais. L’imitation est demeurée incomplète ; de là, en partie, son peu de succès. À ses grecs-unis, l’Église romaine laissait, outre leur liturgie et leur rituel, des évêques et une hiérarchie propre. À ses starovères, unis, l’Église russe prétend au contraire imposer des prêtres consacrés par ses propres évêques et relevant directement d’eux. C’est là un des motifs de l’opposition des vieux-croyants. Les évêques orthodoxes ont beau consentir à les bénir selon l’ancien rituel, cela ne leur suffit point. La plupart se refusent à entrer dans ce bercail officiel, dont les prêtres ne célèbrent les anciens rites que par obéissance, et dont les évêques n’ont pour les cérémonies vénérées de leurs ouailles qu’une tolérance dédaigneuse. L’épiscopat que l’Église nationale leur a refusé, les vieux-ritualistes ont été le chercher au dehors.

Ainsi s’explique comment le raskol a été à peine entamé par un compromis qui semblait devoir clore le schisme. Quoiqu’ils fassent, chaque année, des recrues mentionnées avec soin par les rapports du haut-procureur, les vieux-croyants unis ne dépassent guère un million ; et, parmi eux, beaucoup ne semblent s’être ralliés que pour la forme ou par amour de la tranquillité. En 1886 ils n’avaient, dans tout l’empire, que 244 églises, et ces églises restaient souvent