Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/450

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chevsky. Plusieurs de ces partisans de l’ancien signe de croix poussent l’esprit de progrès jusqu’à attribuer les enfants à la communauté, et à les faire élèvera ses frais dans des asiles spéciaux.

L’union libre, tel est le terme auquel aboutissent la plupart des « sans-mariage ». Sous le couvert de préventions religieuses, il se fait, au fond de ce peuple, une singulière expérience. Dans les villages où la coutume régit les partages de succession, où le mir distribue à son gré la terre entre ses membres, les « sans-mariage » peuvent éluder une des difficultés inhérentes à ce mode d’union, celle qui tient à l’illégitimité des enfants. Chez le moujik où l’homme ne peut vivre sans la femme, où tous deux se complètent pour former une unité économique, le rejet du mariage ne détruit point nécessairement la famille. Elle peut subsister encore, bien que d’une manière précaire. Ces unions révocables qui ne reposent que sur la libre volonté des conjoints, les « sans-mariage » les entourent parfois de formes qui en rehaussent la dignité et leur donnent une certaine garantie ; ainsi du consentement des parents et de la publicité. Il est des régions où, pour faire part de leur entrée en ménage, les couples qui ont résolu d’associer leur vie se promènent ensemble dans les foires et les marchés, en se tenant par la main ou par un mouchoir, comme pour dire à chacun : « Vous voyez, nous sommes unis ». Parfois il est aussi des formes d’usage pour la rupture ou le divorce. On se sépare en présence des parents et des amis, en se faisant forcé révérences à la russe. Ces ménages qu’un caprice peut rompre sont, paraît-il, souvent durables et paisibles, comme si des époux libres de se séparer montraient l’un pour l’autre d’autant plus de douceur et d’attachement, ou comme si un lien qui peut toujours être dénoué restait d’autant moins tendu. Il se peut que la simplicité des mœurs et le sérieux des convictions mitigent ce qu’il y a de faux et de malsain dans de pareilles situations. Sous tous ces beaux dehors et ces poétiques formules, l’union