Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/47

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ressemblance de noms, ils ont transmis à un saint leurs attributs et leurs fonctions. C’est ainsi que saint Blaise, en russe Vlas, a, dans les superstitions locales, pris l’emploi de l’antique Volos ou Veles, le dieu des troupeaux. Le Jupiter slave, Péroun, le dieu de la foudre, dont les statues furent jetées dans le Dniepr et le Yolkof, est remonté sur les autels sous la figure d’Élie, saint Élie, Ilia. Le prophète d’Israël, enlevé au ciel sur un char de feu, a succédé au dieu du tonnerre des anciens Russes, de même que, chez les Grecs, le même Élie avait déjà hérité d’Hélios, le Soleil. Lorsqu’il tonne, c’est, pour le moujik, le char du prophète Elie qui roule dans les cieux[1]. En même temps que de la foudre, ce maître de l’orage dispose de la grêle. Un conte du gouvernement de Iaroslavl le montre détruisant les récoltes d’un paysan qui célébrait la Saint-Nicolas sans fêter la Saint-Élie[2].

Pour d’autres bienheureux, pour saint Nicolas, pour l’archange saint Michel, pour saint Georges, l’un des patrons de l’empire, dont l’équestre image, d’origine païenne, décore l’écusson national, le caractère mythique n’est pas moins marqué. Saint Georges et saint Michel partagent avec saint Élie, et aussi avec saint André et saint Pierre, la succession du Thor slave, Péroun. D’autres fois, dans sa fête du printemps, le 23 avril, Georges, Iouri ou Iégory le brave devient le protecteur des troupeaux et apparaît, de même que saint Blaise, comme l’héritier du dieu Volos. Dans la légende du chevaleresque pourchasseur du dragon, sorte de Persée ou de Bellérophon chrétien, les souvenirs païens et les idées chrétiennes s’enchevêtrent et se confondent, chez les Russes tout comme chez les Grecs et les Latins.

  1. Voyez particulièrement Afanasief : Poétitcheskiia Vozzreniia Slavian na prirodou I ; Ralston : The Songs of the Russian people, et M. L. Léger : Esquisse sommaire de la mythologie slave, Nouvelles études slaves, 2e série, 1886.
  2. Afanasief : Narodnyia Rousskiia Legendy, no 10. — Ralston : Russian folk-tales, p. 340.