Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/524

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sacrements et les offices de l’Église. À cet égard, les Petits-Russiens se montrent aussi positifs que tels sans-prêtres de la Grande-Russie : ils cherchent à se dérober aux redevances ecclésiastiques. Ils restent soumis aux autorités, ils acquittent régulièrement l’impôt, mais, en dépit des poursuites, ils refusent le ministère du clergé ; ainsi que nos révolutionnaires, ils paraissent le considérer comme un coûteux parasite. Au luxe des pompes orthodoxes ils préfèrent un culte simple et peu dispendieux, un culte pour ainsi dire domestique, dont la lecture des livres saints fait les principaux frais.

De l’avis de leurs adversaires, les stundistes se font remarquer par leur probité, leur sobriété, leur amour du travail. « Depuis qu’ils ont passé à l’hérésie, je n’ai qu’à me féliciter de nos paysans, m’affirmait un propriétaire du gouvernement de Kherson : ils ne s’enivrent plus, ils ne volent plus, ils observent leurs engagements. » La vie et la prospérité de ces évangéliques leur valent plus de prosélytes que la prédication. Le moujik embrasse leur doctrine pour participer à leur aisance, de même que les premiers adeptes de la stunda ont été attirés par le spectacle du bien-être de leurs voisins allemands.

Comme la plupart des sectaires, les stundistes ont l’instruction en grande estime. Toute leur religion est fondée sur la Bible, et le besoin de lire la Bible leur donne le goût de l’école. Les idées de liberté et d’indépendance s’insinuent dans leurs villages avec le libre examen. Les jeunes ménages ne se plient plus à la subordination patriarcale de l’ancienne famille russe. Chez les stundistes aussi, la religion est une des formes populaires de l’émancipation des femmes. Les babas prétendent être les égales et non plus les servantes de leurs maris. Aussi sont-elles souvent parmi les plus ardents apôtres de la secte. Comme les buveurs de lait des mêmes régions, ces nouveaux molokanes ont des tendances égalitaires à demi communistes. Ils forment une société de frères et de sœurs où tous les mem-