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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/528

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dant triompher des résistances de l’épiscopat. Anathématisés aux conciles de 1490 et de 1504, les chefs des hérétiques furent condamnés au bûcher ou à la claustration dans les couvents, et l’hérésie sembla disparaître de la terre russe[1]. Les judaïsants avaient, en Russie, frayé la voie aux sectes radicales et, en Pologne, aux unitariens du seizième siècle.

Aujourd’hui c’est surtout dans les provinces du sud, dans le voisinage des contrées habitées par les juifs polonais, que se rencontrent les sabbatistes. On a parfois attribué leur présence à une propagande israélite, ce qu’il est difficile d’admettre, pour qui connaît le peu de propension des israélites modernes au prosélytisme[2]. Cette accusation n’en a pas moins été, vers 1880, la cause ou le prétexte de l’expulsion des juifs de certains districts des gouvernements de Voronège et de Tambof. Les sabbatistes ont, eux-mêmes, été une des sectes les plus persécutées durant tout le dix-neuvième siècle. Alexandre Ier, Nicolas, Alexandre II ont tour à tour sévi contre eux, s’attachant à extirper le sabbatisme du midi de l’empire, comme si l’on eût redouté de lui voir dénationaliser les villages où il s’implantait. La plupart de ces soubbotniki ont été déportés au Caucase.

Quelle qu’en soit la provenance ou la filiation, le sabbatisme n’est guère qu’une forme de l’unitarisme. En rejetant le dogme de la Trinité, des lecteurs de la Bible en sont revenus à la tradition mosaïque et ont rendu à l’An-

  1. Voyez, par exemple, une étude de M. O. Lévitsky dans la Kievskaia Starina, avril 1882. M. Nikitsky (Otcherk vnoutrennoï istorii tserkvi v velikom Novgorodé, 1879, chap. x) attribue principalement l’apparition de cette secte à la déception des fidèles qui attendaient la fin du monde pour l’accomplissement des sept mille ans, d’après l’ère de la création en usage en Russie. L’année fatale s’étant écoulée sans que le Christ redescendît sur la terre, l’Évangile, les apôtres et les Pères de l’Église furent, pour nombre de croyants, convaincus de mensonge.
  2. M. N. Gradovsky, dans ses études sur la situation des juifs en Russie, a constaté qu’aucun israélite n’avait été compris dans les nombreux procès intentés aux sabbatistes. — Cf. le Ratsvét, revue israélite, 1819, p. 421.