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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/565

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l’ispravnik, l’état des âmes importait moins que le nombre apparent des fidèles. Ecclésiastiques et laïques se souciaient peu de guérir le cancer invétéré de l’Église, il leur suffisait d’en cacher les progrès. Le grand tort historique du clergé a été de se prêter à cette comédie sacrilège et d’en partager les profits avec la police. Mieux eût valu, pour sa dignité, un fanatisme moins accommodant. D’autres Églises ont brûlé, c’était l’argument du temps ; aucune autre n’a remplacé le bûcher par le bakchich. L’autodafé espagnol était plus barbare, la vziatka russe est plus répugnante.

Si l’Église et l’État n’ont pas entièrement renoncé aux armes temporelles, ils en ont reconnu l’insuffisance. Le clergé, reprenant conscience de sa vocation, recourt de plus en plus aux armes spirituelles, à la prédication, aux missions. Les évêques s’appliquent à dresser leurs popes à la polémique. Les séminaires ont consacré des chaires à l’étude du raskol. Pour que ses prêtres ne soient pas aux vieux-croyants un objet de scandale, le Saint-Synode a, en 1887, interdit au clergé de fumer, de priser, de jouer aux cartes. Imitant la tactique de Rome, l’Église orthodoxe a recruté une milice de missionnaires spécialement chargés de combattre le raskol. À l’aide des ecclésiastiques, on a appelé les laïques enrégimentés dans des confréries et des sociétés de propagande. On a fondé des bibliothèques pour les dissidents ; on cherche à conquérir leurs enfants par l’école. À Viatka, un missionnaire, le P. Kichmensky, a été jusqu’à exercer ses écoliers, de petits moujiks, à la controverse avec les raskolniks.

Comme les dissidents s’empressent peu d’assister aux prédications « des prêtres de Bélial », le clergé orthodoxe est contraint de leur offrir des conférences contradictoires, où chacun des deux partis expose ses arguments. Ces colloques (sobesedovaniia) étaient déjà en usage à Moscou, sous Nicolas. Ils avaient lieu sur la place publique au