Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/614

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apôtres, un commissaire musulman[1]. Parfois l’assistance à une cérémonie orthodoxe a été prise comme un acte d’adhésion à l’orthodoxie, si bien qu’il est des gens qui ont changé de religion sans le savoir.

Après cela l’on comprend que, en certaines contrées de l’Ouest, le peuple semble ne plus trop savoir à quelle Église il appartient. D’après les comptes rendus du haut-procureur, il n’est pas rare de voir les paysans fréquenter indistinctement la messe latine et la messe slavonne. Ils sont, pour ainsi dire, sur le faîte de partage des deux Églises, pareils aux habitants d’une province frontière que les chances de la guerre auraient fait plusieurs fois passer d’un État à un autre. Il en est dont les ancêtres ont été ramenés à l’orthodoxie il y a plus d’un demi-siècle ; mais, à deux ou trois générations de distance, ils n’ont pas encore oublié la foi de leurs pères. Si l’on y regarde de près, la plupart de ces paysans, en apparence bireligieux, fréquentent le service orthodoxe plutôt par contrainte et le service catholique par goût. Cela est si vrai que, en des paroisses où les orthodoxes sont nominalement en majorité, l’église du pope reste vide, tandis que le kostël catholique regorge de monde[2]. Beaucoup de fonctionnaires ne font pas difficulté d’avouer que, livrés à eux-mêmes, nombre de paysans bélo-russes ou malo-russes retourneraient à Rome. C’est même, selon les patriotes, la raison de refuser à ces frères de l’Ouest la liberté religieuse. Pour les soustraire à l’attrait du latinisme, on ne trouve souvent rien de mieux que de fermer les kostëls du voisinage. C’est ainsi que, en 1886 ou 1887, le gouverneur général de Varsovie a prohibé tout service dans l’église de Terespol, de peur de voir la messe romaine attirer d’anciens uniales. Alexandre III a été, en décembre 1886,

  1. Voyez le Vestnik Evropy, mars 1881, p. 366-367.
  2. Le fait a été reconnu par plusieurs écrivains orthodoxes, entre autres par M. Vladimirof dans la Rousskaïa Starina et M. Koïalovitch dans le Tserkovnyi Vestnik, Voyez le Novoe Vremia, 14 juillet 1887.