Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/641

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aubergistes, cabaretiers : ce métier dont des milliers de familles vivent depuis des siècles, il a été question, sous Alexandre III, de le leur interdire absolument, même dans la région où ils sont libres d’habiter. Si cette prohibition n’a pas été prononcée, on est parfois arrivé, indirectement, au même but, par des règlements sur les cabarets. On reproche au cabaretier juif d’encourager l’ivrognerie ; mais cela est le fait du cabaretier et non du juif. Les statistiques montrent que les provinces de l’empire où l’on consomme le plus d’alcool et où l’alcoolisme fait le plus de victimes sont de celles où il n’y a pas de Juifs.

Une ancienne loi d’Alexis Mikhaîlovitch, confirmée, en 1835, par l’empereur Nicolas, défendait aux Juifs d’avoir à leur service des chrétiens. Pour ce crime le code édictait, jusqu’en 1865, la peine de mort. Cette loi, inspirée par des considérations religieuses, n’était d’ordinaire appliquée qu’aux domestiques. On autorisait les négociants juifs à employer des chrétiens pour leurs affaires. Malgré cela, les autorités ont, encore sous Alexandre III, fait parfois défense aux Juifs d’occuper des chrétiens dans leurs établissements ou leurs fabriques. C’était leur rendre impossible toute industrie. C’était aussi priver de pain les chrétiens employés par les Israélites. Pareille mesure ne pouvait durer. L’application de la loi surannée du père de Pierre le Grand a été suspendue en 1887. Un Juif peut, aujourd’hui, avoir des serviteurs chrétiens, il est seulement tenu (cela à bon droit) de les laisser accomplir librement leurs devoirs religieux.

En revanche, une restriction nouvelle, plus pénible peut-être, est venue récemment s’abattre sur les Russes du culte mosaïque. Le gouvernement de l’empereur Alexandre III a entrepris de limiter le nombre des Israélites admis dans les collèges et les universités. Quoi de plus propre cependant à rapprocher les Juifs des autres classes de la population qu’une éducation commune ? Quoi de mieux fait pour les dépouiller de leurs préjugés traditionnels et les arra-