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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/75

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l’Occident. Les usages, les traditions, l’esprit de l’orthodoxie orientale n’en expliquent pas moins, pour une bonne part, la diversité de son rôle historique, comparé à celui du catholicisme romain. L’examen des différences des deux Églises peut seul permettre de juger de la différence de leur action sur les sociétés.

Ce que nous avons ici en vue, ce ne saurait être les divergences théologiques ; ce sont leurs conséquences intellectuelles, sociales, politiques. Or, à cet égard, des croyances en apparence étrangères à la vie pratique ont souvent, sur les mœurs et la vie des nations, une influence cachée.

Séparées à l’origine par de simples questions de prééminence et de discipline, les deux Églises le sont aujourd’hui par le dogme : de schismatiques elles sont, l’une pour l’autre, devenues hérétiques.

Longtemps il n’y eut, entre les Grecs et les Latins, d’autre dissidence dogmatique que la procession du Saint-Esprit, l’Orient refusant d’ajouter au Credo de Nicée le Filioque des Occidentaux. Encore, pour ne pas admettre que l’Esprit procédât du Fils aussi bien que du Père, les Grecs n’ont-ils jamais proclamé explicitement la croyance opposée. Cette différence toute théologique, qui a tant coûté à l’Orient et à l’Europe, tenait en somme, comme la plupart des dissidences des deux Églises, à ce que Rome avait poussé plus loin la définition du dogme, précisant avec soin ce que Byzance laissait obscur. L’une des deux Églises refusant de s’arrêter dans la voie des définitions dogmatiques, tandis que l’autre demeurait immobile, elles devaient peu à peu cesser de se trouver d’accord, et l’intervalle entre elles risquait fort d’aller en s’élargissant. C’est ce qui arriva, d’autant que, les passions nationales ou les préjugés d’école se joignant à une antipathie séculaire, les théologiens des deux camps, les théologiens d’Orient du moins, grecs ou russes, ont presque constamment travaillé à creuser le fossé entre Byzance et Rome, s’attachant