Madame de Malaret, ce type de grande dame que je pus étudier à loisir, car je la vis souvent à cette époque, était un peu frivole, assez spirituelle, familière et digne en même temps. Sa fortune avait presque entièrement disparu, mais ses manières délicates et distinguées étaient les mêmes. Le petit logement au quatrième étage où je la trouvai était rempli de la meilleure compagnie du monde, qu’elle recevait exactement comme si elle eût été dans le plus magnifique hôtel du faubourg Saint-Germain, sans être ni humiliée ni irritée par sa pauvreté. Elle n’en parlait pas, et je crois qu’elle n’y pensait guère. Elle était grande dame partout et de toute manière.
On jouait chez elle des charades et des proverbes, et parmi les acteurs se faisait remarquer une jeune fille de quatorze ou quinze ans, d’une beauté ravissante, qui jouait ses rôles avec une grâce enchanteresse et un son de voix qui allait au cœur. C’était une protégée de la marquise de Malaret, qui avait connu ses parents et s’était chargée de la petite fille. Bientôt ses dispositions extraordinaires l’entraînèrent à des études sérieuses de l’art dramatique, et elle débuta au Théâtre-Français