Page:Andersen - Contes d'Andersen, traduit par Soldi, Librairie Hachette et Cie, 1876.djvu/118

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Et alors chacun d’eux fut persuadé que l’autre était d’un grand prix. Et leur conversation roula principalement sur l’orgueil qui règne dans le monde.

« J’ai habité une boîte qui appartenait à une demoiselle, dit l’aiguille. Cette demoiselle était cuisinière. À chaque main elle avait cinq doigts. Je n’ai jamais rien connu d’aussi prétentieux et d’aussi fier que ces doigts ; et cependant ils n’étaient faits que pour me sortir de la boîte et pour m’y remettre.

— Ces doigts-là étaient-ils nobles de naissance ? demanda le tesson.

— Nobles ! reprit l’aiguille, non, mais vaniteux, Ils étaient cinq frères…. et tous étaient nés…. doigts ! Ils se tenaient orgueilleusement l’un à côté de l’autre, quoique de différente longueur. Le plus en dehors, le pouce, court et épais, restait à l’écart ; comme il n’avait qu’une articulation, il ne pouvait se courber qu’en un seul endroit ; mais il disait toujours que, si un homme l’avait une fois perdu, il ne serait plus bon pour le service militaire.

« Le second doigt goûtait tantôt des confitures et tantôt de la moutarde ; il montrait le soleil et la lune, et c’était lui qui appuyait sur la plume lorsqu’on voulait écrire.

« Le troisième regardait par-dessus les épaules