Page:Andersen - Contes d'Andersen, traduit par Soldi, Librairie Hachette et Cie, 1876.djvu/16

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« Ces paroles de la sibylle dissipèrent toutes les craintes de ma mère. Elle me donna sa bénédiction, et je partis. Je saluai avec enthousiasme les plaines fécondes qui se déroulaient à mes regards, la mer qui s’ouvrait devant moi. Mais quand je fus arrivé au delà du second Belt, je me jetai à genoux sur le rivage, je fondis en larmes, et je priai Dieu de ne pas m’abandonner. J’entrai à Copenhague avec mes treize écus dans ma bourse, et tout mon bagage dans un mouchoir de poche. Je m’installai dans la première auberge qui s’offrit à ma vue, et, comme je ne savais rien de la vie pratique, je me fis servir sans hésiter tout ce dont j’avais besoin. Quelques jours après j’étais ruiné : il ne me restait qu’un écu. J’avais été me présenter au directeur du théâtre, qui, me voyant si jeune et si inexpérimenté, ne se donna même pas la peine de m’interroger, et répondit que je ne pouvais entrer au théâtre, parce que j’étais trop maigre. Il était temps d’aviser aux moyens de vivre, et je passai de longues heures à y réfléchir. Un matin, j’appris par hasard qu’un tailleur cherchait un apprenti. J’allai le trouver ; il me prit à l’essai et me mit à l’ouvrage. Mais, hélas ! à peine y eus-je passé quelques heures, que je me sentis horriblement triste et ennuyé. Tous mes rêves d’artiste, assoupis un instant par la nécessité, se ranimèrent l’un après l’autre. Je rendis au tailleur l’aiguille qu’il m’avait confiée, et je descendis dans la rue avec la joie d’un captif qui recouvre sa liberté. Je commençais pourtant à comprendre que toutes mes fantaisies poétiques ne me procureraient pas la plus petite place dans les hôtels de Copen-