Page:Andersen - Contes d'Andersen, traduit par Soldi, Librairie Hachette et Cie, 1876.djvu/18

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lais rester et devenir acteur. J’entrai à l’école de danse du théâtre ; je figurai dans quelques ballets. Je remplissais gauchement mon rôle, hélas ! et j’étais malheureux. Je ne gagnais pas plus de six francs par mois, et, dans les jours rigoureux d’hiver, je n’avais qu’un pantalon de toile. Mais j’espérais toujours que la voix me reviendrait. Je voulais être acteur à tout prix, et, quand je rentrais dans ma chétive mansarde, je m’enveloppais dans la couverture de mon lit pour me réchauffer ; je lisais et je répétais des rôles de comédie. À cette époque, j’avais encore toute la candeur, toute l’ignorance et toutes les naïves superstitions d’un enfant. J’avais entendu dire que ce qu’on faisait le 1er janvier, on le faisait ordinairement toute l’année. Je me dis que, si je pouvais entrer le 1er janvier sur le théâtre, ce serait d’un bon augure. Ce jour-là, tandis que toutes les voitures circulaient dans les rues, tandis que les parents allaient voir leurs parents et les amis leurs amis, je me glissai par une porte dérobée dans la coulisse, je m’avançai sur la scène. Mais alors le sentiment de ma misère me saisit tellement, qu’au lieu de prononcer le discours que j’avais préparé, je tombai à genoux et je récitai en pleurant mon Pater noster.

« Cependant mon sort allait changer ; le vieux poëte Guldberg m’avait pris en affection. Il me donna les honoraires d’un livre qu’il venait de publier ; il me fit venir chez lui, et m’engagea à lire des ouvrages instructifs, puis à écrire. Mon éducation élémentaire n’était pas encore faite ; j’ignorais jusqu’aux règles grammaticales de