Page:Andersen - Contes d'Andersen, traduit par Soldi, Librairie Hachette et Cie, 1876.djvu/191

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un caniche. Celle-ci se tint bien tranquille pour écouter, impatiente d’apprendre comment elle pourrait s’affranchir et devenir son propre maître.

« Devinez un peu qui demeurait dans la chambre du voisin ! commença la première Ombre ; c’était une personne charmante, c’était la Poésie. J’y suis resté pendant trois semaines, et ce temps a valu pour moi trois mille ans. J’y ai lu tous les poëmes possibles, je les connais parfaitement. Par eux j’ai tout vu et je sais tout.

— La Poésie ! s’écria le savant ; oui, c’est vrai, elle n’est souvent qu’un ermite au milieu des grandes villes. Je l’ai vue un instant, mais le sommeil pesait sur mes yeux. Elle brillait sur le balcon comme une aurore boréale. Voyons ! continue. Une fois entré par la porte entr’ouverte…

— Je me trouvai dans l’antichambre ; il y faisait à peu près noir, mais j’aperçus devant moi une file immense de chambres dont les portes étaient ouvertes à deux battants. La lumière s’y faisait peu à peu, et, sans les précautions que je pris, j’aurais été foudroyé par les rayons avant d’arriver à la demoiselle.

— Enfin que voyais-tu ? demanda le savant.

— Je voyais tout, comme je vous le disais tout à l’heure. Certes, ce n’est pas par fierté ; mais comme homme libre, et avec mes connaissances,