Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/195

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pour une vieille pomme : c’était une balle qui avait passé bien des années dans la gouttière et était encore toute trempée d’eau de pluie.

« Dieu soit loué, dit celle-ci en apercevant la toupie dorée, voici enfin quelqu’un de ma sorte avec qui il sera possible de causer. Telle que vous me voyez, je suis en liège d’Espagne, toute couverte de maroquin, et c’est une belle demoiselle qui m’a cousue. Oui, vraiment, bien qu’on ne s’en douterait plus guère. J’étais sur le point d’épouser une hirondelle, quand je fus lancée dans une gouttière où je suis restée cinq ans. Hélas ! comme la pluie m’a gonflée ! que me voilà devenue laide ! Je vous certifie que c’était un cruel supplice pour une jeune demoiselle de bonne maison comme moi. »

La toupie ne dit mot. Elle pensait à son ancien amour, et devinait bien que c’était là l’objet pour lequel elle s’était enflammée en son jeune temps.

La domestique survint. Elle allait retourner la caisse et jeter les ordures. « Tiens ! dit-elle, voilà la toupie dorée. » Elle la prit et la reporta aux enfants. Et la toupie recouvra son ancienne gloire. Quant à la balle, elle fut jetée dans la rue. La toupie ne parla plus jamais de son ancienne passion. Quand elle avait vu la balle gonflée par l’eau de pluie, ridée et affreuse, elle avait évité de la reconnaître.