Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/281

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met en relief le côté vilain et méchant des êtres et des choses, et en fait ressortir les défauts au préjudice des qualités. Le malheureux Kay a reçu dans les yeux un de ces innombrables débris ; l’atome funeste a pénétré jusqu’au cœur, qui va se raccornir et devenir comme un morceau de glace. Kay ne sentait plus aucun mal, mais ce produit de l’enfer était en lui.

«  — Pourquoi pleures-tu, dit-il à la fillette que son cri de douleur avait émue ; essuie ces larmes, elles te rendent affreuse. Je n’ai plus aucun mal. — Fi donc ! s’écria-t-il en jetant les yeux autour de lui, cette rose est toute piquée de vers ; cette autre est mal faite ; toutes sont communes et sans grâce, comme la lourde boite elles poussent ! » Il donna un coup de pied dédaigneux contre la caisse et arracha les deux fleurs qui lui avaient déplu.

— Kay ! que fais-tu ? s’écria la petite fille, comme s’il commettait un sacrilège.

La voyant ainsi effrayée, Kay arracha encore une rose, puis s’élança dans sa mansarde sans dire adieu à sa gentille et chère compagne. Que voulez-vous ? C’était l’effet du grain de verre magique.

Le lendemain, ils se mirent à regarder de nouveau dans le livre d’images. Kay n’y vit que d’affreux magots, des êtres ridicules et mal bâtis, des monstres grotesques. Quand la grand’mère racontait de nouveau des histoires, il venait tout gâter avec un mais, ou bien il se plaçait derrière la bonne vieille, mettait ses lunettes et faisait des grimaces. Il ne craignit pas de contrefaire la grand’mère, d’imiter son parler, et de faire rire tout le monde aux dépens de l’aïeule vénérable. Ce goût de singer les personnes qu’il voyait, de