Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/289

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Mais Gerda crut qu’elle n’avait pas jeté les souliers assez loin du bord ; elle s’avisa donc de monter sur un bateau qui se trouvait là au milieu des joncs. Elle alla jusqu’à l’extrême bout du bateau, et de là lança de nouveau ses souliers à l’eau.

La barque n’était pas attachée au rivage. Par le mouvement que lui imprima Gerda, elle s’éloigna du bord. La fillette s’en aperçut et courut pour sauter dehors ; mais lorsqu’elle revint à l’autre bout, il y avait déjà la distance de trois pieds entre la terre et le bateau.

Le bateau se mit à descendre la rivière. Gerda, saisie de frayeur, commença à pleurer. Personne ne l’entendit, excepté les moineaux ; mais ils ne pouvaient pas la rapporter à terre.

Cependant, comme pour la consoler, ils volaient le long de la rive et criaient : « Her ere vi ! her ere vi ![1] ».

La nacelle suivait toujours le cours de l’eau. Gerda avait cessé de pleurer et se tenait tranquille. Elle n’avait aux pieds que ses bas. Les petits souliers rouges flottaient aussi sur la rivière, mais ils ne pouvaient atteindre la barque qui glissait plus vite qu’eux.

Sur les deux rives poussaient de vieux arbres, de belles fleurs, du gazon touffu où paissaient des moutons ; c’était un beau spectacle. Mais on n’apercevait pas un être humain. « Peut-être, pensa Gerda, la rivière me mène-t-elle auprès du petit Kay. » Cette pensée dissipa son chagrin. Elle se leva et regarda longtemps le beau paysage verdoyant.

Elle arriva enfin devant un grand verger tout planté de

  1. Ces mots, qui forment une onomatopée, ont le sens de : « Si, nous voici ; si, nous voici ! »