Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/324

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il trouve tout à son goût ; c’est, selon lui, le plus agréable lieu du monde. Cela vient de ce qu’il a au cœur un éclat de verre, et dans l’œil un grain de ce même verre, qui dénature les sentiments et les idées. Il faut les lui retirer ; sinon il ne redeviendra jamais un être humain digne de ce nom, et la Reine des Neiges conservera tout empire sur lui.

— Ne peux-tu faire boire à la petite Gerda un breuvage qui lui donne la puissance de rompre ce charme !

— Je ne saurais la douer d’un pouvoir plus fort que celui qu’elle possède déjà. Tu ne vois donc pas que bêtes et gens sont forcés de la servir, et que, partie nu-pieds de sa ville natale, elle a traversé heureusement la moitié de l’univers. Ce n’est pas de nous qu’elle peut recevoir sa force ; elle réside en son cœur, et vient de ce qu’elle est un enfant innocent et plein de bonté. Si elle ne peut parvenir jusqu’au palais de la Reine des Neiges et enlever les deux débris de verre qui ont causé tout le mal, il n’est pas en nous de lui venir en aide. Tout ce que tu as à faire, c’est donc de la conduire jusqu’à l’entrée du jardin de la Reine des Neiges, à deux lieues d’ici. Tu la déposeras près d’un bouquet de broussailles aux fruits rouges, que tu verras là au milieu de la neige. Allons, cours et ne t’arrête pas en route à bavarder avec les rennes que tu rencontreras. »

Et la Finnoise plaça de nouveau Gerda sur la bête, qui partit comme une flèche.

« Halte ! dit la petite, je n’ai pas mes bottines ni mes gants fourrés. » Elle s’en apercevait au froid glacial qu’elle ressentait. Mais le renne n’osa pas revenir sur ses pas ; il galopa tout d’une traite jusqu’aux broussailles aux fruits rouges. Là il déposa Gerda et lui baisa la bouche ; de grosses