Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/33

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hommes remarquables : « D’abord on a une quantité de contrariétés, et ensuite-on devient célèbre. »

« C’était un instinct inexplicable qui me dirigeait et me poussait. Je priai, je pleurai. Ma mère céda, mais auparavant elle fit venir une vieille femme réputée sorcière pour prédire mon sort d’après les cartes et le marc de café. « Votre fils deviendra un grand homme, dit la vieille. Un jour, en son honneur, la ville d’Odensée illuminera. » Ma mère pleura de joie en entendant ces paroles, et elle me permit de partir. Tous les voisins lui reprochèrent de me laisser aller à quatorze ans, si loin, dans une grande ville comme Copenhague, où je ne connaissais personne. « Il ne me laisse pas de repos, répondit-elle, il a fallu céder ; mais je suis persuadée qu’il n’ira pas plus loin que Nyborg. Quand il verra la mer et ses grandes vagues, il reviendra. »

« L’été précédent, une partie des acteurs et chanteurs du Théâtre Royal de Copenhague était venue à Odensée et y avait joué une suite d’opéras et de tragédies. La ville était dans l’enthousiasme. Grâce à mon ami le porteur de programmes, j’avais pu entrer dans les coulisses, voir toutes les représentations, y figurer même comme page, berger, etc. ; j’avais eu quelques mots à dire sur la scène. Je remplissais mon rôle avec un tel zèle que, bien avant que les acteurs arrivassent pour s’habiller, j’avais déjà revêtu mon costume. Ce zèle me fit remarquer d’eux. Mon enthousiasme, mes idées et mes manières enfantines les amusèrent. Ils causèrent amicalement avec moi, et je les écoutais comme les vrais dieux d’ici-bas.

« Je me rappelais tout ce qu’on avait dit de flatteur sur ma voix et sur ma manière de déclamer les vers. « C’est pour