Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/404

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Les jeunes sapins du bois recommencent à penser à Noël, à ce beau jour où on les décore de rubans, de bonbons et de petites bougies. Ils aspirent à ce brillant destin, quoiqu’il doive leur en coûter la vie.

« Comment, je suis encore ici ! dit le chardon, et voilà huit jours que les noces ont été célébrées ! C’est moi pourtant qui ai fait ce mariage, et personne n’a l’air de penser à moi, pas plus que si je n’existais point. On me laisse pour reverdir. Je suis trop fier pour faire un pas vers ces ingrats, et d’ailleurs, le voudrais-je, je ne puis bouger. Je n’ai rien de mieux à faire qu’à patienter encore. »

Quelques semaines se passèrent. Le chardon restait là, avec son unique et dernière fleur ; elle était grosse et pleine, on eût presque dit une fleur d’artichaut ; elle avait poussé près de la racine, c’était une fleur robuste. Le vent froid souffla sur elle ; ses vives couleurs disparurent ; elle devint comme un soleil argenté.

Un jour le jeune couple, maintenant mari et femme, vint se promener dans le jardin. Ils arrivèrent près de la haie, et la belle Écossaise regarda par delà dans les champs : « Tiens ! dit-elle, voilà encore le grand chardon, mais il n’a plus de fleurs !

— Mais si, en voilà encore une, ou du moins son spectre, dit le jeune homme en montrant le calice desséché et blanchi.

— Tiens, elle est fort jolie comme cela ! reprit la jeune dame. Il nous la faut prendre, pour qu’on la reproduise sur le cadre de notre portrait à tous deux. »

Le jeune homme dut franchir de nouveau la haie et cueillir la fleur fanée. Elle le piqua de la bonne façon : ne l’avait-il