Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/22

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les scènes de la vie ? Les visages, les physionomies, les inflexions de la voix, les moindres particularités naturelles y sont retracés pour nous avec une netteté qu’il nous est impossible de retrouver au réveil.

Un groupe de lunicoles discutaient sur la nature de notre terre. Ils doutaient qu’elle fût habitée ; et, véritablement, ce ne sont pas des êtres semblables à eux qui pourraient jamais vivre dans une atmosphère aussi épaisse que la nôtre. Ils finirent par déclarer à l’unanimité que la lune seule dans l’univers renfermait des créatures vivantes. Après quoi, ils se mirent à parler politique.

C’est le vrai moment de les quitter et de redescendre dans la rue de l’Est, pour voir ce qu’était devenu le corps du gardien.

Il était resté assis sur l’escalier, immobile avec sa canne dans la main, et le regard tourné vers la lune où voyageait son âme.

— Quelle heure est-il, gardien ? demanda un passant, qui, ne recevant point de réponse, le tira par le bout du nez, pour l’éveiller.

Le corps perdit l’équilibre et tomba à terre comme un corps mort. L’inconnu se sauva, et le lendemain on trouva dans la rue l’infortuné gardien pâle, froid, inanimé. On le porta à l’hôpital.

Il eût été plaisant de voir l’âme revenir alors et chercher son corps dans la rue de l’Est sans pouvoir le trouver. Sans doute, dans son embarras, elle se serait adressée à la préfecture de police (bureau des objets perdus) ; elle aurait fait insérer un avis dans les journaux, et n’aurait pas manqué de parcourir les hôpitaux. Mais