Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/29

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personne ne les reconnut pour siennes, il les déposa au bureau de police.

— Elles ressemblent aux miennes comme deux gouttes d’eau, dit un de messieurs les employés, en examinant la trouvaille. L’œil exercé d’un savetier n’y verrait aucune différence.

Puis il mit les deux paires l’une à côté de l’autre pour en faire la comparaison.

Un agent de police vint en ce moment lui parler et, après quelques minutes d’entretien, l’employé revint à ses galoches ; mais il lui fut impossible de reconnaître lesquelles étaient les siennes.

— Ce doit être celles qui sont mouillées, pensa-t-il.

Mais pas du tout : les galoches qu’il s’attribuait par ce motif étaient précisément celles du Bonheur.

Personne n’est infaillible, pas même la police.

Après avoir mis les galoches, il prit quelques papiers sous son bras et quitta le bureau pour rentrer chez lui. Comme c’était un dimanche et qu’il faisait un temps magnifique, il eut l’idée de faire une promenade dans le parc de Frédéricsberg ; et, en vérité, le brave jeune homme avait bien gagné cette petite distraction.

D’abord, il marcha machinalement, sans donner par conséquent aux galoches aucune occasion d’exercer leurs sortilèges. Vers le milieu de la grande allée, il rencontra un de ses amis, un jeune poète qui lui apprit qu’il partait le lendemain pour un voyage à l’étranger.

— Comment ! vous partez encore ? dit l’employé. Êtes-vous heureux de ne dépendre de personne ! Tandis que vous vous envolez à votre guise, nous autres, nous avons la chaîne au cou.