Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/34

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touffes des orangers toujours verts, toujours fleuris, chantait l’oiseau doré, je m’élançais avec mes sœurs et mes frères au-dessus du lac, où flottent les nénuphars ; je rencontrais des perroquets aux mille couleurs, et j’écoutais avec ravissement les histoires merveilleuses qu’ils me racontaient.

— Des oiseaux sauvages et sans éducation ! interrompit le perroquet. Non ! soyons des hommes !

— Il ne te souvient donc plus, reprit le serin, des essaims joyeux de jeunes filles qui venaient, les bras entrelacés de fleurs, danser à l’ombre des arbres odoriférants ? Il ne te souvient plus des fruits délicieux des tropiques et des sucs bienfaisants que nous prodiguaient les plantes des forêts ?

— Il m’en souvient fort bien, mais je me plais mieux ici, où je suis copieusement nourri et traité avec considération. On me trouve de l’esprit, et c’est surtout là ce qu’il me faut. Soyons des hommes ! Toi, tu as une âme exaltée, du génie, si tu veux ; mais pas le sens commun. Souvent, lorsque tu chantes, tu montes si haut, qu’on en a mal aux nerfs et qu’on est obligé de te faire taire : moi, au contraire, plus je fais de tapage, plus on ; est content. Je n’ai qu’une note, mais c’est la bonne, et je suis le mieux partagé de nous deux.

— Ah ! ma patrie bien-aimée ! chanta encore le serin, ne te reverrai-je plus ? Chanterai-je toujours loin de toi tes golfes bleus et tranquilles, où les branches flexibles des arbres effleurent, comme en dansant, la surface des eaux ? Ne pourrai-je, avant d’expirer, parcourir encore tes forêts vierges et tes rivages dorés en compagnie de mes frères libres et joyeux ?