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LA VIE D’UN POPE

des jeux cruels et de la sagesse obscure des forêts…

Et c’est ainsi, que seul à seul, aux côtés d’un être dément, assourdi parfois de son cri de bête impudente et mauvaise, le père Vassili vivait d’une vie mystique, celle de l’esprit qui a renoncé à la chair.

Il voulait se purifier, se préparer au grand acte et au grand sacrifice encore inconnus, et ses jours, comme ses nuits, n’étaient plus qu’une prière ininterrompue, qu’une immense effusion sans paroles.

Depuis la mort de la popadia, il s’était astreint à un jeûne sévère : il ne buvait plus de thé, ne mangeait plus ni viande ni poisson, et, les jours maigres, le mercredi et le vendredi, se nourrissait exclusivement de pain trempé dans de l’eau ; de plus, par une sorte d’inexplicable cruauté qui ressemblait à une vengeance, il avait imposé le même jeûne à l’idiot ; et ce dernier avait beau en souffrir, hurler comme une bête