Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/34

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rapidement, à huis clos, comme on le faisait à cette époque impitoyable.

Devant le tribunal, tous les cinq furent paisibles, mais sérieux et pensifs : leur mépris pour les juges était si grand qu’ils ne voulurent pas souligner leur hardiesse par un sourire inutile ou une gaîté feinte. Ils furent juste assez tranquilles pour protéger leur âme et sa grande ombre d’agonie contre les regards étrangers et malveillants. Parfois ils refusaient de répondre aux questions, parfois ils répondaient simplement, brièvement, nettement, comme s’ils eussent parlé à des statisticiens désireux de compléter des tableaux de chiffres et non pas à des juges. Trois d’entre eux, une femme et deux hommes, donnèrent leur véritable nom ; les deux autres refusèrent de faire connaître leur identité. Ils manifestèrent pour tout ce qui se passa cette curiosité lointaine et atténuée propre aux gens gravement malades ou possédés par une seule idée toute-puissante. Ils jetaient des coups d’œil rapides, saisissaient au vol une parole intéressante et se