Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/46

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patriotes n’habitait dans le voisinage, Ianson resta presque deux ans sans parler. Il gardait le silence avec les bêtes comme avec les gens. Il menait le cheval à l’abreuvoir et l’attelait sans lui parler, en tournant autour de lui paresseusement, à petits pas hésitants. Quand le cheval se mettait à ruer, Ianson le frappait cruellement, sans mot dire, de son énorme fouet. La boisson transformait en furie son entêtement froid et méchant. Alors le sifflement du fouet scandé de trépignements douloureux des sabots sur les planches du hangar parvenaient jusqu’à la ferme. Pour le punir de torturer le cheval, le patron battit Ianson, mais ne parvenant pas à le corriger, il renonça à le frapper.

Une fois ou deux par mois, Ianson s’enivrait, particulièrement quand il conduisait son patron à la gare. Une fois celui-ci en wagon, Ianson s’éloignait d’une demi-verste et attendait que le train fût parti.

Puis il retournait à la gare et s’enivrait au buffet. Il revenait à la ferme au grand galop, rouant de coups la malheureuse rosse,