Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ironie ceux qui, pour suivre la mode, s’appelaient pompeusement « expropriateurs ». Il racontait volontiers dans tous ses détails son dernier crime ; mais, dès qu’on touchait au passé, il répondait :

— Allez demander au vent qui souffle sur les champs !

Et si l’on persistait à l’interroger, le Tzigane prenait un air digne et sérieux.

— Nous, ceux d’Orel, nous sommes tous des têtes brûlées, les pères de tous les voleurs du monde, affirmait-il d’un ton posé et judicieux.

On l’avait surnommé Tzigane à cause de sa physionomie et de ses instincts de pillard. Il était maigre, étrangement noir, avec des taches jaunes sur ses pommettes saillantes comme celles d’un Tartare. Son regard était court et vif, plein de curiosité, effrayant. Les choses sur lesquelles il s’était fixé avaient perdu on ne sait quoi, s’étaient transformées, en lui donnant une partie d’elles-mêmes. On hésitait à prendre une cigarette qu’il avait regardée, comme si elle avait été déjà dans