Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/82

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— Ninotchka ne sait rien ! répondit vivement la mère.

Mais le colonel l’interrompit avec sévérité :

— À quoi bon mentir ? Elle a lu les journaux… Que Serge sache que… tous… les siens… ont pensé… et…

Il ne put continuer et s’arrêta. Soudain, le visage de la mère se tira, les traits se brouillèrent et devinrent sauvages. Les yeux décolorés s’écarquillèrent follement ; la respiration devint de plus en plus haletante et forte.

— Se… Ser… Ser… Ser…ge, répéta-t-elle sans mouvoir ses lèvres. Ser…ge…

— Petite mère !

Le colonel fit un pas ; tremblant tout entier, sans savoir combien il était affreux dans sa blancheur cadavérique, dans sa fermeté désespérée et voulue, il dit à sa femme :

— Tais-toi ! Ne le torture pas ! Ne le torture pas ! Ne le torture pas ! Il doit mourir ! Ne le torture pas !