Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/89

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abandonné et s’assit sur un banc humide.

Et subitement elle comprit : c’était demain qu’on allait pendre son fils ! D’un seul coup, elle se dressa, voulut crier, courir, mais la tête lui tourna et elle s’abattit. L’allée blanche de givre était humide et glissante : la vieille femme ne put se relever. Elle se dressait sur ses poignets et retombait de nouveau. Le fichu noir glissa de sa tête, découvrant les cheveux d’un gris sale. Il lui semblait qu’elle fêtait la noce de son fils. Oui, on venait de le marier, elle avait bu un peu de vin ; elle était légèrement ivre.

— Je n’en puis plus ! mon Dieu, je n’en puis plus !

La tête vacillante, elle rampait sur le sol humide persuadée qu’on lui faisait boire du vin, encore du vin. Et de son cœur montait avec le rire des ivrognes l’envie de se livrer à une danse sauvage… tandis qu’on portait toujours des coupes à ses lèvres, l’une après l’autre, l’une après l’autre…