Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/91

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des environs étaient venus en ville pour gagner quelque argent comme cochers de fiacre ; les grelots des chevaux petits-russiens tintaient bruyamment. Les conversations étaient gaies et sentaient l’ivresse, de vraies conversations de fête. Le temps était à l’unisson ; le printemps avait amené le dégel et des mares troubles mouillaient la chaussée. Les arbres des squares avaient noirci. Par larges bouffées humides, un vent tiède venait de la mer et semblait partir en un vol joyeux vers l’infini.

De nuit, la rue se taisait sous la clarté des grands soleils électriques. L’immense forteresse aux murailles lisses plongeait dans l’obscurité, dans le silence ; une barrière de calme et d’ombre la séparait de la ville continuellement vivante. Alors, on entendait sonner les heures ; étrangère à la terre, une mélodie singulière naissait et mourait, lentement, tristement. Comme de grosses gouttes de verre transparentes, les heures et les minutes tombaient d’une hauteur incommensurable, dans une vasque métallique qui