Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
LE GOUVERNEUR

mite aux forces humaines, Excellence ; et je vous le dis en toute franchise : autrement, je ne réponds de rien. Dans deux ou trois mois, tout sera oublié et Son Excellence pourra revenir sans danger. Vers cette époque, une troupe italienne d’opéra viendra ici, nous irons l’entendre et Son Excellence pourra se promener tant qu’elle voudra !

— Dieu sait quelle troupe ce sera ! dit Marie Pétrovna, mais elle acquiesça à la proposition du préfet de police, car elle était très inquiète.

Dans l’antichambre le préfet se remit à morigéner le portier, mais à haute voix, cette fois-ci, sans se gêner :

— Tu verras ! Je te couperai tes favoris, vilain museau ! Tu as des favoris comme un conseiller d’État, fils de chien, et tu crois qu’on peut laisser la porte ouverte. Je te ferai danser !

Le même soir, Marie Pétrovna demanda à son mari de l’accompagner à l’étranger avec ses enfants.

— Je t’en prie, Pierre, dit-elle d’une voix lassée en fermant ses grandes paupières jaunâtres ; la peau basanée de ses joues poudrées faisait des

2