Aller au contenu

Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
KOUSSAKA

jalousement : il ne dormait que d’un œil, et au moindre frôlement, il allongeait son museau aux deux taches immobiles et phosphorescentes. Et il y avait beaucoup de bruits inquiétants dans cette vibrante nuit de printemps : dans l’herbe chuchotait quelque chose de petit et d’invisible qui venait jusque sous le nez luisant du chien ; une branche sèche craquait sous le poids d’un oiseau endormi, une charrette cahotait, et des camions lourdement chargés grinçaient sur la route. Et dans l’air immobile se répandaient les frais arômes de la résine qui donnaient envie de s’en aller vers le lointain empourpré.

Ces citadins étaient de très bonnes gens, rendus encore meilleurs par le fait qu’ils étaient loin de la ville, qu’ils respiraient un air pur et ne voyaient autour d’eux que des choses vertes, bleues et inoffensives. Les rayons du soleil les pénétraient de leur chaleur et les disposaient à la gaieté et à la bienveillance. Au premier moment, ils voulurent chasser le chien qui les avait effrayés et même le tuer à coups de revolver s’il ne s’en allait pas ; puis ils s’accoutumèrent à ses aboiements nocturnes et, parfois, le matin, quelqu’un demandait :