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LE CAPITAINE EN SECOND KABLOUKOF

— Va te coucher, animal ! Demain, tu retourneras à la manœuvre !

— Comme vous voudrez ; seulement, vous me punissez injustement !

— Tais-toi ! Tais-toi ! Sinon…

Frappant du pied, le capitaine sortit de la cuisine, Koukouchkine voulut reprendre sa besogne, mais, n’ayant pas tenu compte de la force d’inertie, il suivit le mouvement de la brosse et s’effondra sur le banc.

La colère du capitaine était à son comble ; elle s’épancha en des exclamations sans suite ; puis il la noya dans quelques verres d’eau-de-vie, et elle fit place à un profond chagrin. « On ne me laisse pas même donner une petite fête comme il convient ! » se dit Kabloukof. Mentalement, il se représenta le festin qui n’avait pas eu lieu. « Que ç’aurait été agréable ! » Et comme le tableau de la fête manquée semblait se ternir à ses yeux, quoiqu’il le considérât avec attention : « Mais je veux prouver que ç’aurait été agréable ! » s’écria-t-il, et il se mit à le prouver. Chose étrange, plus il prouvait, plus il cherchait d’arguments dans le carafon, plus la vérité devenait douteuse.