Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
NOUVELLES

répandit dans l’espace, toujours avec la même tristesse majestueuse et paisible :

…Et n’ont pas connu le repos dans leur vie…

Quelque chose d’étincelant et de précieux comme une larme, tomba du haut du ciel, et, per çant les ténèbres de la basse profonde et large, se mêla en un gémissement tendre et ardent aux lamentations de la terre :

…Ils ont acquis la paix par leur travail…

— Mon Dieu, mon Dieu ! mais c’est elle qui chante ! pensa Tchistiakof en regardant le visage pâli de la jeune fille. Oh ! c’est de nous que ce chant parle !

Et les trois voix se mêlant, se pénétrant l’une l’autre, se fondant en une seule harmonie noble et douloureuse, répétèrent :

…Bonne nuit à tous ceux qui sont fatigués…
…Et n’ont pas connu le repos dans leur vie…
…Ils ont acquis la paix par leur travail…

On chanta encore d’autres mélodies tristes, mais Tchistiakof ne les entendait plus ; en lui, tout tres saillait de pitié pour lui-même, qui travaillait