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BERGAMOTE ET GARASKA

qui n’était pas du tout aussi infini qu’on le dit, borné qu’il était par une masse de réverbères. Garaska entra en relations étroites avec le premier d’entre eux qui se trouva sur sa route, l’étreignant amicalement et avec force.

— Un réverbère, tfou ! articula l’ivrogne. Contrairement à son habitude, Garaska était de très bonne humeur. Au lieu d’adresser au pilier les invectives qu’il méritait, Garaska lui fit quelques légers reproches non dépourvus de familiarité.

— Attends, imbécile, où vas-tu ? grommela-t-il en vacillant ; puis il retomba de toute sa force contre le fer humide et froid et faillit se briser le nez. Ah ! c’est comme ça ! — Garaska qui avait commencé à glisser le long du réverbère, parvint à se retenir ; il tomba dans une profonde méditation.

Les lèvres pincées avec dédain, le sergent de ville regardait Garaska du haut de sa grandeur. Personne, dans la rue, ne l’ennuyait autant que ce fieffé ivrogne. À le voir, il paraissait se mouvoir à grand’peine, et il n’avait pas son pareil dans le faubourg pour faire du scandale. Ce n’était pas un homme, mais un fléau. Le Pouchkari