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PRÉFACE

ments humains et des aspirations vers une existence meilleure, vitalité qu’on rencontre souvent chez les êtres les plus misérables et les plus dégradés. Dans la sombre destinée de ces gens, il y a des moments de clarté. Il suffit d’un léger incident, de quelque circonstance futile, pour les transformer : soudain leur cœur se met à battre, des larmes d’attendrissement montent à leurs yeux, ils pressentent vaguement l’existence lointaine de quelque chose de lumineux et de bienfaisant. Une sensibilité profonde, un ardent amour de la vie éclatent alors au fond de ces âmes obscures, fleurs éphémères sans doute, mais fleurs merveilleuses qui confèrent à ces déchus l’imprescriptible dignité de l’être humain.

Cette sensibilité, cet attachement à l’existence forment le thème d’une série de nouvelles dont Petka à la campagne est l’une des plus touchantes par sa simplicité.

Petka, apprenti dans une malpropre boutique de barbier située au fond d’un sordide quartier de Moscou, a dix ans. Il ne fume pas encore comme son camarade Nicolka, de trois ans plus âgé que lui, qu’il voudrait égaler en toutes choses. Nicolka est initié déjà aux mystères de la coupe française, des cheveux coiffés en brosse et de la, raie. L’intelligence précoce de Nicolka, qui raconte toutes espèces de choses à Petka, stupéfie l’enfant qui